Prix littéraire 2013

« A la Poursuite de la bouillabaisse volée ! »

1er prix  ex aequo 2013

Ma ville d’adoption est devenue en 2013 la capitale Européenne de la culture !!! Bien qu’ému de ce titre, cette situation ne saurait qu’exacerber ma paranoïa  ...Et dire que je vais devoir  partager cette année avec tous ces touristes venus d’ailleurs ! Par définition, un étranger n’est pas un autochtone et il ne pourrait en aucun cas piquer la place du vrai faux marseillais que je suis! Ici, c’est devenu ma maison et l’idée même que toutes ces personnes viennent respirer mon air, me semble totalement inacceptable !

Et pourtant, depuis le début de l’année, mon calvaire a bel et bien commencé... Les espions sont dans la place et au-delà de ma propre nuisance, voici quelques illustrations qui prouvent qu’ils convoitent, entre autres trésors, le secret de fabrication de notre bouillabaisse!

Méfiant de tout, j’avais déjà repéré en mars, avachi à l’ombre d’un platane non encore feuillu,  un sujet de type asiatique qui sirotait un verre de pastis au reflet bien trop jaunâtre pour être honnête...  Bien qu’hilare, Il donnait l’impression d’être en pleine réflexion... J’étais sûr qu’il fomentait le noir dessein, de nous vendre un jour des savonnettes pékinoises estampillées Marseille. Fort heureusement, c’était sans compter sur notre fabuleux nectar et ses degrés d’alcool qui le débrida dans tous les sens du terme ... Ce vénérable descendant des « Ming » qui a chanté un soir la marseillaise sans pour autant s’en souvenir le lendemain, ignore encore que les phocéens préfèrent chiner du vieux chez eux que d’acheter du neuf en Chine !

Afin d’éviter toute autre présence suspecte,  je me suis rapidement extirpé vers Malmousque, où j’espérais me fondre parmi les indigènes. Oh, pauvre ! Je suis tombé nez à fesse sur une américaine on ne peut plus gironde dont le postérieur opulent occupait à lui seul l’espace de notre petite anse... Je n’ai pas à porter de jugement sur ses habitudes alimentaires, mais ce qui  m’interpelle, c’est quelle n’ait jamais eu l’idée d’utiliser ses billets verts pour acheter du bio !  

Après  cette grotesque rencontre Hollywoodienne, je suis tombé sur Bollywood ! Au détour d’Arenc, j’ai croisé  un hindou au regard d’acier  qui tentait de renégocier l’achat du Silo pour un milliard de roupies!  Un indien qui vient nous plumer, c’est le monde à l’envers ! Moi, je trouve que tous ces étrangers venus d’ailleurs qui grouillent de partout, ça sent la conspiration  et je suis malheureusement le seul à m’en rendre compte...

Par exemple, ne trouvez-vous pas louche qu’un groupe de chiliens vêtus de fanfreluches bariolées cherche rue  Simon Bolivar,  une baraque à tapas pour consommer du chili ??? Que dans un troquet pratiquant le karaoké, des mexicains viennent chanter Mexico volant à l’occasion, la vedette à nos sombres héros du micro ??? Et je demeure tout aussi méfiant à l’égard des touristes dits de longues durées à l’instar de mes voisines slaves qui arpentent en cuissardes, le boulevard Baille la nuit ! A en croire la courte durée des entretiens, je suis sûr qu’elles recrutent par job-dating pour le compte de l’armée rouge !

Depuis le début de l’année, ma tension artérielle ne s’est relâchée qu’une seule fois en affichant 18 sur mon boitier de contrôle. C’était un soir d’avril, aux confins de  Belsunce, lorsque je découvris un européen voisin, un frère, que dis-je : un ami ! C’était un allemand de couleur, certes plus proche de l’oncle Tom que d’Angela Merckel, mais son beau costume bavarois n’aurait su mentir... Il progressait difficilement parmi la foule en claudiquant et c’est quand il lâchât sa canne pour savourer une bière en hurlant Ich liebe die Canebière , Ja, Ja , que j’en fus totalement convaincu ! 

Je ne suis ni raciste ni xénophobe et bien au contraire,  j’apprécie sans réserve la palette de couleurs que la nature engendre et quand bien même il s’agirait de Limougeauds bien rougeauds qu’il en serait de même ! L’inacceptable, c’est qu’on veuille s’octroyer mon statut privilégié de marseillais venu d’ailleurs !

AU SECOURS MARSEIILE, TA MEDITERRANEE PREND L’EAU !

On vient te coloniser, te dépouiller, te sucrer  ton huile d’olive, tes cigales, tes navettes (exceptées celles de la RTM !), ton savon, ta côte bleue, tes côtes de Provence, ton pastis, tes gabians, tes cagoles !

Je m’abandonne au calembour facile mais lorsque je rentre en crise, mon angoisse a ceci d’étonnant, de rendre idiot tous mes propos. Grâce à Dieu, je possède également la faculté de copiner sévèrement avec la schizophrénie et vous imaginerez sans peine ce que fut ma joie lorsqu’une petite voix interne au demeurant raisonnable, tutoya mon ego...

Allez,  mon petit marseillais d’amour, savonne ton esprit, dégraisse ton âme noire et vautre toi dans la paix car personne ici  ne veut piquer ta place mais tout au plus la partager ...

De cette crise aigue, un nouvel homme est né, purgé de toutes rancœurs ! Fini le jaloux  maladif que j’étais à l’image de l’Aimable Castanier auquel on vient de piquer sa femme dans la femme du Boulanger.   Zen, j’ai redécouvert une Pomponette se faisant chatte  et je me suis libéré au point de monter aux nues tout ce qui me rendait fou quelques minutes plus tôt !  Aurais-je omis de vous dire que je suis aussi délicieusement maniacodépressif ???

OH Marseille ! Si tu accueilles aujourd’hui tous ces marseillais venus d’ailleurs, c’est que tu en vaux la peine, que tu en as l’étoffe, que tu attires, que tu rayonnes, que ta culture n’est plus en jachère mais décline l’art sous toutes ses formes... Je cours sans répits (en langage informatique, je boucle !)  du MuCem au Port Saint Jean, de la Vieille Charité au pavillon M, de la Villa Méditerranée à la Mayor,  du Silo au Dôme de Saint Just, de l’Alcazar à Longchamp... et je me rafraichis à chaque tournée, sous ta devenue célèbre Ombrière du Vieux Port... AH, ma Ville !  Cet évènement a été si retentissant, que ta bonne Mère nous a exceptionnellement délégué ses Anges pour l’inauguration et depuis lors, j’ai le privilège de converser avec eux chaque jour que Dieu fait ! (et entre-nous, ils sont vachement sympas !)

Cet excès de lyrisme vient de me renvoyer au bon souvenir de ma schizophrénie paranoïde maniacodépressive !  Et tel le prophète recevant l’illumination, cette révélation embrase mon esprit au point qu’un bonze transcendé en mourrait de honte ! J’aperçois dans ma vision, un espace de lumière, un lieu de rassemblement blindé d’une foule en liesse, une écharpe bleue et blanche autour du coup, s’écriant à l’unisson: J’y étais, j’ai tout vu, j’ai aimé, senti, ressenti, mangé ta bouillabaisse, piqué ta recette et à jamais Marseille Chérie, dans mon cœur, telle une femme amoureuse qui s’offre sans retenue, tu demeureras,...   La messe est dite,   Amen !


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